Saturday night fever

Publié le par Eudes

Saturday nignt fever ! Il est 23h. Je me sens l’âme d’un John Travolta prêt à entrer en piste. J’ai mis un beau pantalon, une belle chemise, la nuit m’appartient !

Saturday night fever… Comment se sentirais John Travolta si la piste en question était un foyer dans une banlieue lointaine et campagnarde de Mae Sot ? Mal, je présume.

Moi, ça va ! Très bien même. Je partage ma nuit avec les chuchotements des ados dans leur dortoir qui, peu à peu, s’estompent. Les lampes halogènes blafardes agissent comme un rempart face à l’obscurité. Elles tiennent en respect les bruits qui m’entourent. J’ai pour seul compagnons, les amis fidèles de cette partie du monde. Les grains de riz qui poussent doucement dans les champs inondés… par la paisible noirceur de la nuit. Je fume le dernier cigare birman de la journée. L’âcre et suave fumée s’écoule dans mes jeunes poumons alors que la braise rouge qui se ravive à chaque inspiration me rappelle la chaleur de la journée – les « 10 000 kilos de soleil sur la taule » comme le dit si bien Céline.

Quelle est splendide dans son calme cette première veille en terre Karen ! Après avoir passé la journée à établir des cours d’anglais, à travailler aux champs, à m’être sociabilisé avec les ados – trois heures de tiwi thaïlandaise où je pêche quelques mots très vite oubliés.

Enfin un peu de calme dans ce monde de brute ! Ma misanthropie – tant chérit et cultivé, tragiquement impossible à vivre, ici – s’accommode encore mal de cette débauche de sourire et de are you happy ? Peut-être m’y ferais-je un jour… le monde n’est pas si cruel lorsqu’il est simple et sympathique – une compatissance joyeuse habite cette région méconnu.

Demain la messe. J’entends déjà d’ici les violentes pétarades de ma moto qui m’emmènera jusqu’à cet autre lieu de sérénité. Trouverais-je réellement la paix dans cette église où je m’amuse de son premier paroissien ? Un chinois bedonnant d’une cinquantaine d’année qui passe toujours le premier à l’eucharistie du fait de sa position. Il est le principal donateur de l’église catholique de Mae Sot. Il a le droit de dire un discours à la fin de la messe. Décidemment les gens…

J’aimerais que la nuit ne finisse pas. Et pourtant il faudra bien. Je retrouverai un jour, à l’autre bout du monde, le havre de paix que je connais ici. Au bord de la mer, à discuter cinéma et ordonnancement du monde avec un ami. L’écume rythmant la conversation. Une lampe de poche pour guide dans la nuit. Dans une cuisine jouant au poker ou au Trivial pursuit. Dans un salon devant un Mario party, ou regardant la Star Ac’. Le matin à l’Espérance avant le coup de feu du petit déjeuner. Dans une autre cuisine, plus miteuse cette fois-ci, autour d’un saucisson au poivre, à débattre peine de mort et Catéchisme de l’Eglise catholique. Le repas sera mis en route bientôt : pâtes/lardons ou pommes de terre/raclette. En arrivant à la Bernerie où la première chose à faire est de s’enquérir des heures de la marée. – Montante ou descendante ? – A Angers ou à Chazé Henry durant le repas dominical.

Il y a toujours dans ces moments là, un instant de grâce où tout ralenti. Et l’on se rend compte de son bonheur. Certains appelleront ça être dans la lune alors qu’on a jamais été si présent. On capte les sourires – les rires. On apprécie l’anarchie de la table, si propre et si joliment dressée il y encore quelques heures. On prend du recul. On s’assoit légèrement en retrait pour observer un peu le mouvement. On reprend enfin, le cours du temps et la contemplation est remplacé par un mot, une phrase, une question, un cri – les pleurs des enfants qui ont joué un peu trop sérieusement à faire la guerre – qui nous remet sur les rails et nous replace dans l’activité qui nous entoure.

Teacher sleeping now !... M’adjoint une jeune fille.

Je reprends un cigare et je me couche.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
<br /> Eudes je crois que ca me fous le cafard de lire tes trucs là...<br /> un an c'est beaucoup trop long : RE-VIENS!<br /> <br /> Tu réponds à mon mail ou non?<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> Très heureuse de pouvoir lire et relire ta philosophie à laquelle j'essaie de m'adapter mais cela me semble difficile. Bon courage et Groses bises Mamy<br /> <br /> <br />
Répondre
A
<br /> T'écris vraiment bien mon petit Eudes. Ça fait plaisir!<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> attention au cigare ! mauvais pour la santé... heureux d'avoir de tes nouvelles, on pense bien à toi et on t'embrasse. Papi et Mamie<br /> <br /> <br />
Répondre
C
<br /> J'admire, j'apprends et vice versa...<br /> <br /> <br />
Répondre